Thierry Bellaiche, Impromptus, Blog-Site

Le cerveau de M. Husson

Mi-homme, mi-caméra...

(Photos © Thierry Bellaiche)

 

 

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Le ci-devant François Husson a bien voulu partager avec moi, depuis pas mal d’années, un certain nombre d’aventures dites « professionnelles » (et de fait, elles l’étaient autant que possible…), mais aussi, et peut-être avant tout, humaines, amicales, et en un certain sens (ou en un sens certain), spirituelles, avec une petite ou une bonne grosse touche de littérature pour couronner le tout… Car si la littérature nous passionne et nous « retient » tous les deux, et si nos inclinations en la matière ne nous portent pas toujours vers les mêmes « infinis esthétiques » (Paul Valéry), nos goûts communs étaient et sont toujours suffisamment forts, prenants, magnétisants, pour nous offrir de beaux (quoique parfois bien déconnants) moments d’échange sur divers sujets à la fois futiles et très sérieux concernant certains écrivains, certains livres, certains « rêves de livres », enfin nos échappées longues ou brèves de lecture et d’écriture, ce genre de chose… (Merci – entre autres – au considérable Georges Perec, qui nous a permis d’interminables promenades, au gré de sinueuses discussions, dans le somptueux labyrinthe de son œuvre…).

 

Chef-opérateur, cameraman, cadreur de son état professionnel (j’ignore quelle « étiquette » lui convient le mieux, ni même si une seule d’entre elles serait suffisante), son talent justifie amplement la place qu’il a occupée derrière la caméra pour quelques-uns des films que j’ai eu le plaisir de réaliser à ses côtés. Cependant, cet homme d’image est aussi, et de la plus belle manière, un homme de mots. Et de cela, justement, j’aimerais dire un petit mot

 

Faut voir ce cerveau, Madre de Dios ! C’est le gros foutoir mais en même temps, c’est riche, très riche, sorte d’invraisemblable caverne d’Ali Baba linguistique où l’on trouve d’un peu tout, de toutes les matières, de toutes les provenances, de toutes les résonances, de toutes les mémoires, y’a qu’à se pencher pour récolter, ou il suffit de demander… N’ouvrez pas le robinet si vous craignez les éclaboussures !

 

Je me souviens qu’un jour, comme ça, une petite lubie, je lui avais envoyé par mail la suggestion d’un petit jeu qui consistait à dresser une liste (les « jeux de listes », autre dada qui nous anime !) de mots ayant trait aux formes possibles de délinquance ou de violence humaine, sans consulter de dictionnaire de synonymes ni chercher à pomper dans le réservoir de la vaste Toile. C’était la règle, et comme l’homme est foncièrement honnête, je savais qu’il la respecterait… Dix ou quinze minutes plus tard, ce fou furieux, ayant reçu mon « innocente » proposition, et sans doute allumé d’un seul coup comme le postérieur d’un lampyre femelle au milieu d’une nuit d’été, me renvoie une liste interminable de mots, affiliés de façon plus ou moins proche au sujet proposé, mais qui en possédaient tous la coloration, la résonance, parfois un peu lointaine mais finalement toujours juste… J’avais moi-même dressé ma propre liste avant de le provoquer en duel, et je dois dire qu’elle faisait pâle figure, comparée au barnum imaginatif, anarchique et pléthorique sous lequel il avait abrité ses trouvailles, en l’espace en quelques minutes.

 

Mais c’est un exemple parmi tant d’autres, c’est qu’il en a dans le bourrichon l’animal, la parole lui vient comme ça, fluide, analytique ou poétique, carrossée et fignolée, jamais à court, le problème serait plutôt de l’arrêter…

 

Bref, un bon gros cerveau, certes glabre en surface, mais en dedans tout hérissé, hirsute de mots, d’images, d’images de mots, de mots imagés, le tout toujours séduisant, foisonnant, intelligent, et c’est (entre autre qualités) pour ça que je l’aime beaucoup le père François… Et aussi pour les beaux souvenirs de tournage, pour la subtile connaissance de son métier, travail spartiate et poilade débraillée toujours finement réunis, Saint-Pétersbourg, Nice, Buenos Aires, Barcelone, j’en passe et de moins exotiques, enfin on a bien bossé et on s’est bien marré…

 

On peut dire qu’un « réalisateur réalise », mais il faut réaliser que cela ne serait que grossière illusion, ou chose impossible, sans les compagnons idoines

 

Voilà, je tenais à le dire franco. Merci François…

 


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