Full Moon Party

Photo © Thierry Bellaiche

 

 

Je végétais après le tournage, affalé sur un banc, rincé, les oreilles en charpie, puisant ce que je pouvais de vitamines dans mon bucket tiédasse. Kevin, petit blondinet dégourdi, l’assistant du cadreur, se pointe en sueur, torse nu, les yeux exorbités, le souffle court…

 

– Putain mec, Jérôme s’est fait dépouillé de tout ce qu’il avait sur lui !

– J’avais dit à ce connard de rien prendre, merde, chié !

– Je sais pas ce qui s’est passé… Je l’ai vu en train de galocher une semi-bombasse, ça avait l’air trop zarbi vu sa tronche de cul, y’a quelque chose qui clochait dans la situation, et après y’a eu un flot de nouveaux, des Allemands je crois bien, complètement hystériques, ils ont tout envahi et je l’ai perdu de vue…

– Euh… aurais-tu la bonté de m’expliquer ce que tu entends par « semi-bombasse » ?

– Ben… tu crois que c’est une bombasse au premier coup d’œil, mais au bout de dix secondes tu te rends compte que c’est du toc… du bidon… mais pas trop mal quand même… Consommable, quoi !

– Bien. Merci. Mais elle ressemblait à quoi ? C’était une fille du cru ?

– … Hein ?

– C’était une fille d’ici ? Une Thaïlandaise ?

– Comment je saurais, moi ? C’était une bridée, quoi merde !

– … Ouais…

– Quoi « ouais » ?

– Mon petit Kevin, t’as entendu parler du sport national ici ?

– La pétanque ?

– C’est pas faux… C’est des fameux boulistes… Mais y’en a un autre. C’est de dépouiller les gogos comme nous à chaque Full Moon Party. Sport essentiellement féminin. Enfin, je crois…

– Merde, je savais pas…

– Pourquoi tu crois que j’avais prévenu Jérôme ? Tu prends rien sur toi je lui ai dit. On prend un petit rafiot à Ko Samui, on trace direction Ko Pha Ngan, on débarque à Haad Rin pour filmer une méga-teuf de plage avec des milliers de boutonneux bourrés d’ecsta, pas dans un monastère de Trappistes !

– Merde, je savais pas…

– Alors t’as fait quoi après l’invasion des Teutons ?

– Je me suis tiré, j’ai fait un tour sur la plage, mais c’était aussi blindé voire pire que dans le bar… Ils étaient tous dans un délire psytrance, la sono à réveiller les morts, pas moyen de s’entendre péter, et fallait voir ces tronches d’aliens, c’était pas humain…

– Bon, et il est où maintenant, ce crétin de Jérôme ?

– Je l’ai retrouvé au Backyard, vautré sur une banquette, en train de chialer sur ses 500 dollars…

– 500 ! ? Mais il est vraiment trop con ce mec ! Qu’est-ce qu’il foutait avec 500 dollars sur lui ?

– Il bredouillait… Je suis pas sûr d’avoir tout compris… Mais je crois qu’il flippait de les laisser à l’hôtel… Il a cru que ce serait mieux de les avoir sur lui…

– 500 boules la pelle avec une semi-bombasse, c’est chérot…

– Même avec une vraie bombasse, si tu veux mon avis…

– Je la sens pas cette after, mais pas du tout… On aurait dû se tirer dès qu’on a tout eu dans la boîte.

– Je crois que les images sont fantastiques… Les gens se foutaient complètement qu’on les filme, ils nous voyaient même pas…

– Et le matos ? Les caméras ? Et les rushes ? Me dis pas que…

– Non t’inquiète, tout est au frais, à l’hôtel…

– Bien… Si tout est au frais…

 

Le petit Kevin a voulu quand même continuer l’after. Il s’est dégotté sans trop de mal un petit Thaï qui lui a peinturluré le torse et les joues avec une bouillie orange. Heureusement, il avait pas pris de fric avec lui. Moi j’étais plutôt content. On voyait l’agonie de la pleine lune dans le ciel fadasse. Et je savais que j’avais une belle séquence.

 


 

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