« Come what come may »

Le bouffon Stańczyk, par Jan Matejko (Public Domain – Source : Wikimedia Commons)

 

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En ce mois d’avril 2016, le monde entier « célèbre » la disparition physique, il y a tout juste 400 ans, de William Shakespeare, un homme (ou une étrange comète multicolore, ou un miracle incarné en bipède, ou une poule aux crocs acérés, ou un cochon volant, ou un veau danseur-étoile sur une patinoire, ou une écrevisse sifflant dans la montagne, ou un jour de givre en enfer) que l’on a coutume – et parfois la coutume dit le vrai – de considérer comme le plus grand dramaturge de tous les temps.

 

Le « monde entier » ? En France, très peu. Très discrètement, pour employer un bel euphémisme… Ici ou là, dans des locaux universitaires, dans des médiathèques, dans des dortoirs de pensionnats peut-être ou pourquoi pas dans des caves, des colloques, des conférences, des colloques, des conférences, des colloques, des conférences. La France adore les colloques et les conférences.

 

Un indice intéressant, livré par le père Google : avril 2016, je tape « Célébrations Shakespeare 2016 en France » :

 

Célébrations Shakespeare 2016 en France Recherche Google - Rognée

 

… et alors voilà… Dès le deuxième résultat de recherche, le mot « France » est un « terme manquant », il est barré, point barre !… Symbole terrible ! Circulez, y’a rien à voir ! Quant au premier résultat, il est daté de novembre 2015, et émane du British Council… Faut pas pousser, on a mieux à faire, au pays des Lumières, que de rendre hommage à un théâtreux, rosbif de surcroît, en décomposition depuis quatre siècle. Le « grand public » ne le mérite sans doute pas…

 

J’ai passé quelques semaines du premier semestre de l’année 2015 à rédiger un projet de documentaire, intitulé « Shakespearemaniacs », en prévision de cette commémoration, pensant (naïvement, faut croire) que le pays de l’universalisme, de l’Encyclopédie et de Victor Hugo (lire d’urgence son essai, William Shakespeare, avant de quitter ce monde !), allait se précipiter pour chanter avec moi les louanges du grand Bill. Ou si ce n’était avec ma modeste et peut-être dispensable proposition, du moins avec une autre, avec d’autres, dans un enthousiasme effréné et d’une évidence absolue pour ce pilier de la civilisation occidentale, et de l’humanité entière en vérité. Mais je ne sache pas que ce soit le cas. Peut-être existe-t-il des projets en préparation, un beau lapin s’apprêtant à sortir du grand et généreux chapeau des chaînes de télévision, par exemple, mais je n’en sais rien… Le mien, en tout cas, n’a pas trouvé preneur. C’était une petite promenade parmi les fous shakespeariens, ceux de son théâtre comme ceux qui peuplent réellement ce monde. Cela portait aussi sur ces sortes d’ancêtres des adeptes de la « théorie du complot » qu’étaient les anti-stratfordiens, ceux qui pensaient (certains le pensent encore) que le dénommé Shakespeare n’est pas l’auteur des pièces que la postérité lui attribue, et qui ont passé leur vie d’obsédés à tenter de le démontrer, convaincus la plupart du temps, au moment de rendre leur dernier souffle, d’y être parvenus…

 

J’aurais vraiment aimé le faire, ce film…

 

Certains jours (presque tous à vrai dire), me trotte dans la tête la douloureuse et angoissée réflexion de Macbeth :

 

« Come what come may, Time and the hour runs through the roughest day »

Advienne que pourra, Le temps court à travers les jours les plus ingrats

 

(Traduction Jean-Michel Déprats)

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