L’essaim caché

  • Chinoises devant un miroir

Photos © Thierry Bellaiche

 

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Il y a tout juste dix ans, invité par mon ami Rémi Bleibtreu (celui-là même qui avait joué l’un des deux rôles principaux – celui de l’écrivain – de Desdemona en 1991), grand connaisseur, pratiquant, et soutien actif du mouvement dissident chinois Falun Gong, j’ai eu la chance d’assister à un spectacle de la compagnie Shen Yun Performing Arts, au Palais des Congrès de Paris.

 

Arrivé avant l’heure dite, chaleureusement accueilli dans les coulisses par Rémi qui s’apprêtait à filmer le spectacle avec une équipe de techniciens, j’ai cru préférable de le laisser se préparer tranquillement. J’ai alors commencé, en solitaire, une petite promenade dans les arcanes du Palais, empruntant arbitrairement couloirs et coursives qui se présentaient à moi, et à un certain moment, sans m’en rendre compte (un peu comme dans ces transitions abruptes et incompréhensibles qui engendrent parfois, dans certains rêves, des « montages » si étranges, proches des collages surréalistes), je me suis retrouvé miraculeusement propulsé dans une loge, au milieu d’une nuée de créatures ténues et translucides, belles comme des papillons blancs et roses échappés de l’Eden, ou comme sorties d’une rêverie opiacée, sorte d’essaim de nymphes ou de dryades revisitées par les couleurs chatoyantes de l’Extrême-Orient. Ne sachant absolument pas ce que je faisais là ni comment j’avais atterri dans cette bulle multicolore, je les regardais, j’évoluais subitement au milieu d’elles avec ravissement, mais à la vérité, j’avais dans le même temps l’impression qu’elles ne me voyaient pas. Et je crois que vraiment, elles ne me voyaient pas. Et pas même l’œil argenté que je faisais circuler pourtant fort indiscrètement parmi elles… J’étais l’homme invisible au milieu de cet improbable et pourtant bien réel microcosme venu de très loin, transplanté d’un seul coup dans une petite loge parisienne. Et je trouvais cette situation parfaite

 

Je me suis alors dit, probablement, que c’était cela qu’il faudrait toujours tenter d’atteindre, dans la vie comme pour la réalisation d’un film : être « quelque part » dans l’atmosphère, à l’égal de l’air, regarder, restituer, et disparaître…

 

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