Mise en abyme

Photo © Thierry Bellaiche

 

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(respirez, il n’y a pas de points, sauf trois petits à la fin…)

 

Il y a quelque temps, une éternité sans doute, je ne sais plus trop, dans un passé versatile ou volatilisé ou valétudinaire ou voletant dans l’air, une manif, une de plus pourrait-on dire, alors voilà, je passais par là, ça devait être de Bastille à République ou de République à Bastille ou de Nation à République ou de Bastille à Nation ou de A à Z ou de la terre à la lune ou de mal en pis, enfin une manif en lieux communs comme on les aime ou comme on les évite, je ne sais plus trop ce que je foutais dans le coin, sortie d’un rendez-vous peut-être, loin de mes quartiers et pénates, où je m’apprêtais à retourner, j’allais – consentant – me faire becqueter par une bouche de métro, mais j’aime bien les grandes foules certes à petite dose, alors je me suis détourné de la bouche et je suis resté un peu en surface, j’ai rôdé, je me suis immiscé, j’ai fureté, j’ai regardé, je ne me lasse pas du défilé des visages, le visage humain ne pouvait pas être une invention humaine, impossible, l’auteur est autre, c’est forcément « autre chose » et cette « autre chose » seule pouvait donner cette création inlassablement renouvelée à travers les générations, jamais la même chose sauf les jumeaux ou les sosies et même eux, je veux dire chacun d’eux, le jumeau seul, le sosie seul, sont toujours uniques à bien y regarder, l’homme ne pouvait pas inventer son propre visage, il le reçoit point à la ligne, pas le choix, sauf à le faire charcuter plus tard pour essayer de le réarranger, de lui donner plus de gueule, bref je m’égare, je me promène donc à contre-courant pour pas changer, je remonte le sens du cortège tel un saumon en mode montaison, et voilà que je tombe sur une jeune femme, une manifestante qui me tend un journal où l’on voit un manifestant (qui aurait pu être elle-même !) qui avait manifesté précédemment peut-être au même endroit qu’elle, il est donc manifeste que cette jeune femme possède une fibre artistique des plus subtiles, nous offrant dans le canard ainsi exhibé une sorte de mise en abyme de ce qu’elle est en train de vivre, une manifestation à la une d’un canard tenu par une manifestante qui figura peut-être elle-même en train de manifester dans le numéro suivant du même canard, canard qui du reste s’appelle « Existence ! » avec un beau point d’exclamation, peut-être histoire de nous rappeler que l’existence peut prendre l’allure d’une course à l’abîme ou plus simplement pour nous alerter d’une urgence, au cas où l’on n’aurait pas compris qu’il est urgent d’exister et pour exister il faut manifester de République à Bastille à Nation à République et ainsi de suite, je crois que ce pays et moi-même tournons en rond…

 


 

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